Kanye West finit par s’installer dans son fauteuil devant les trois rangées de journalistes, et ouvre son Macintosh noir pour nous faire visionner avec enthousiasme le premier clip extrait de Graduation, « Can’t Tell Me Nothing » (co-produit par DJ Toomp), avant de nous faire découvrir « Stronger », le second single. Grosse claque et grosse surprise, puisque le morceau sample les Daft Punk ! La vidéo réalisée par Hype Williams situe le contexte dans un futur proche et sombre, dans un style anime nippon assez inspiré du film Akira, avec bien sûr une belle mannequin asiatique pour le déhanché. L’enregistrement, les effets spéciaux et le montage, plus les séances de tournage supplémentaires, auraient nécessité trois mois de travail pour en arriver à ce résultat. Un clip qui pourrait bien être en lice lors des MTV Video Music Awards mais comme le dit Kanye West lui-même avant de passer l’album : « Les Award Shows, c’est de la connerie. […] J’en ai rien à foutre des Video Music Awards Show ! Je n’ai aucun respect pour les Awards Shows ! C’est juste un show ! Rien n’est vrai. Voir les gens crier ‘Jesus Walks’, ça c’est vrai. » Et pour en revenir aux ad-libs de Young Jeezy sur « Can’t Tell Me Nothing », « c’était fait d’une manière créative, c’est ce dont quoi le Hip Hop est question, être créatif. Pourquoi on dit que le Hip Hop est mort ? parce que personne n’est vraiment créatif et ne pousse l’album à sa limite. »
Ceci pour faire la transition avec Graduation, dont il nous explique que l’album ne contiendra que douze chansons, sans aucun rappeur en figuration. Seconde indication, l’album est plus épuré que les précédents, textuellement parlant, expliquant pourquoi d’ailleurs il espace ses raps sur son premier extrait. « J’étais en tournée, en première partie des Rolling Stones, je rappais et les gens me regardaient genre ‘putain mais qu’est-ce qu’il raconte ?’, raconte justement Kanye West. Et je me suis rendu compte que lorsqu’on parcourt le monde, les gens ne comprennent pas des raps comme ça. C’est pourquoi sur mon album, beaucoup de raps sont simplifiés, qui soient vraiment compréhensibles. Tu dois utiliser les mots justes à bon escient. » Kanye fait occurrence du terme ‘stadium status’ pour qualifier ses morceaux, tout a été fait en sorte que le rendu soit le meilleur possible à des concerts ou des festivals comme il l’explique lui-même. À l’image de l’intro majestueuse « Good Morning » qui donne le coup d’envoi de la listening session proprement dite sur de belles envolées. Kanye nous montre par la même occasion le cartoon prévu pour ce titre, un petit dessin animé qui met en scène sa mascotte, le petit ourson que l’on retrouve sur ses pochettes d’album. Il enchaîne ensuite sur « Good Life » (le prochain single), une chanson positive où l’on reconnaît les synthés de Jon Brion (avec qui il avait précédemment travaillé sur Late Registration). Quelques anecdotes plus loin, Kanye s’apprête à nous faire écouter sa chanson préférée. « Mais toutes les chansons de mon album sont mes préférées », ajoute-t-il l’air amusé et ravi du travail accompli. « I Wonder » débute par un magnifique sample de voix/piano, sur lequel le producteur/rappeur a posé un kit de batterie inédit sur ce genre d’échantillon, mais le rendu est bluffant.
Place maintenant à « Coming Home » (featuring John Legend ?), qui sera le quatrième single de Graduation, un morceau emmené par des pianos qui rappellent un peu le type de production qu’arborait Kanye West sur College Dropout. Ça fait plaisir à entendre en tout cas. Passe ensuite un autre morceau dans la même veine que « Good Life », toujours dans une vibe eighties mais avec un sample de voix cette fois. Puis ce fut au tour de l’égo de Kanye de s’exprimer : « Je travaille dur pour être l’artiste numéro un dans le monde, c’est vraiment mon but, je veux vraiment être l’artiste numéro un sur la planète Terre. » Après quelques instants d’autocongratulations s’est ensuivi un moment fort : un récit acapella de « Can’t Tell Me Nothing », qu’il considère comme une prière. Petite transition pour présenter un autre de ses morceaux favoris : « Drunk And Hot Girls ». L’ambiance est particulièrement vaseuse, comme une soirée trop arrosée. « Vous n’avez jamais entendu ça auparavant », nous avait-il prévenu. C’est le cas. « Elle sera votre chansons préférée lorsque vous l’aurez écouté quatre ou cinq fois », précise Kanye par après. Jusque-là, rien d’habituel. Tant mieux ! Même avec ces bons vieux samples de voix et des grosses caisses, tout est original. C’est du pur Kanye West. Et en plus, il est bavard ! Une bonne humeur très communicative.
Retour à des mélodies de pianos et ambiances soulfuls avec « Here We Go Again », un mid-tempo magnifique avec comme invité… DJ Premier aux platines ! Et oui, ne pas avoir de rappeur n’empêche pas faire appel à un autre producteur Hip Hop, légendaire qui plus est. « Primo c’est mieux qu’un featuring rap sur un morceau », justifie Kanye West, un très beau compliment de sa part, allant même jusqu’à le comparer à James Brown grâce au côté soul qu’il apporte. Et comme toutes les bonnes choses ont une fin, arrive le dernier morceau de l’album « Good Night » (puisque Graduation a commencé par « Good Morning »), un morceau dédié à ses grands-parents décédés le même jour. « J’ai demandé à ma grand-mère ce qu’elle fera maintenant que grand père est mort, et elle est morte quelques heures après », raconte Kanye à notre grande stupéfaction. D'autant plus lorsque l’on entend Mos Def chanter le refrain, et Kanye baisser le son pour rapper le premier couplet par dessus l’instrumental. Emotion partagée, par nous, privilégiés de cette séance écoute exclusive. Une chose est sûre : Graduation sera un nouveau standard de Kanye West.
Que vous faut-il savoir de plus ? Il faudra attendre le 20 Août… Mais pour patienter, un résumé de la conférence de presse sera bientôt mis en ligne dans la rubrique Dossiers – Interviews.
Photos : Xavibes.com
