L'industrie musicale est en crise, c'est un fait inéluctable, comme le réchauffement climatique. Le nombre de CDs vendus continue de baisser, la faute à qui? au peer-to-peer? Oui, car le téléchargement 'illégal' a totalement changé notre façon de consommer la musique, d'appréhender l'achat d'album, en créant une sorte d'effet rétroactif qui se répercute forcément sur les ventes. Mais ce n'est pas l'unique raison. La digitalisation de la musique et sa commercialisation sur des plateformes comme iTunes compensent les pertes, les marges sur les tickets de concerts aux prix de plus en plus excessifs aussi, les sonneries... Mais en 2007, la musique rap accuse le coup. Fini les disques d'or et de platine à la pelle, cette année a été en partie l'année des one-hit-wonder, de rappeurs aux pseudonymes sans originalités, des singles sans lendemain, des retours sans succès...

Certains artistes bien ancrés dans le rap game se plaignent que les maisons de disque et labels ne s'occupent même plus de leur promotion. C'est pas faux. Regardez en France par exemple, la part d'albums de rap américain importés empiètent sur les sorties internationales et distributions officielles françaises : ça montre bien le désintérêt que porte le rap US aux yeux des majors. Si certains imports sont largement abordables (soyons honnêtes), les prix font généralement mal au porte-monnaie. Sans compter un marché saturé et une foison de nouveaux artistes... Quel choix faire? Quel budget s'accorder? Mais le problème est plus compliqué que cela, car les artistes qui ne savent plus non plus entretenir leur image autrement que par des beefs et des attaques en tout genre. Peu sont ceux qui parlent de leur musique, ne tergiversent pas sur untel ou tel sujet superficiel. Et puis oui, le Hip Hop est en perte de vitesse. Pas mort, juste en stand-by on dira. C'est chacun pour sa pomme, mon crew contre le tien, mon compte en banque, mon tube qui me fera toucher des fesses parce que j'suis trop moche, bref. Certes, le Hip Hop est devenu omniprésent, aux Etats-Unis en tout cas, mais en France, il reste des efforts à faire. Mais c'est peut-être trop tard. Beaucoup de gens ne ressentent plus vraiment d'engouement autour d'une sortie, ne s'attendent plus à voir un classique arriver dans les bacs, c'est triste, et pire, acheter un disque pour soutenir un artiste que l'on apprécie ou un disque que l'on a kiffé est devenu une aberration pour des têtus qui se sont mis en tête qu'il faut mettre des bâton dans les roues de l'industrie du disque, que se servir sur Internet n'a aucun impact sur la carrière d'un artiste...

Pas pour faire la morale en incitant à la consommation, simplement tirer la sonnette d'alarme. Il faudrait d'abord relancer la machine, et parce que les gens ont la mémoire courte, leur rappeler que le Hip Hop est une culture qu'il faut défendre et transmettre, que c'est un mouvement qui ne se limite pas qu'à écouter du rap dans son iPod, que c'est une musique de notre époque et celles à venir. Les vrais passionnés de musique comprendront le message, et pas seulement ceux qui défendent tel type de rap en particulier. Il faut de tout pour faire un monde comme un dit, et pour le Hip Hop c'est pareil : il faut des puristes, des gens qui kiffent le mainstream, d'autres l'underground, des backpackers, des fans de rap conscient, sudiste, etc... Les opinions et les sensibilités divergent forcément mais au fond, est-ce que vous aimez que votre style rap de prédilection ou le Hip Hop qui fait battre les coeurs, ou la musique en général ? A méditer...

En attendant, voici la liste des albums nominés pour la catégorie Eastcoast, greffée du Midwest pour représenter Chicago (avec Kanye West et Common) et faire taire les râleurs. Ces disques sont sortis en majors et figurent parmi les grosses sorties (si ce n'est les meilleures) de cette année 2007, sans forcément faire le coup des Awards lambda, puisqu'ici ce ne sont pas les ventes qui font les choix mais les notes et le nombre de commentaires. Et pour ceux qui s'inquiètent encore, il y aura une catégorie pour les sorties indés/underground très bientôt.

Pharoahe Monch avec Desire
Huit ans après son premier classique chez Rawkus, Pharoahe revient avec un album massif, aux influences rock et soul nettes et sans bavure, son flow dévastateur et ses jeux de mots. La magie fait le reste. Rien de comparable par rapport à Internal Affairs, mais l'album d'un artiste conscient de son talent et qui le démontre amplement. Un boum dans cette décennie de Hip Hop.

Common avec Finding Forever
Common au micro et Kanye West à la production, 2e acte. Après un Be millésimé, Finding Forever développe une suite dans un univers différent. Pas de doute que Common figure parmi le panthéon des personnalités de la musique afro-américaine, au rayon Hip Hop bien entendu. Le poids des mots et la force des instrumentaux font de cet album une oeuvre intemporelle et qui saura mûrir dans les années à venir. "The Game", "The People", "So Far To Go" produit par J Dilla... Autant de morceaux qui ont marqué l'année 2007 et les esprits.

Talib Kweli avec Ear Drum
Enfin affranchi de la tutelle Rawkus, Talib Kweli n'a jamais aussi été émancipé que depuis qu'il est le seul maître de sa carrière. Trouvant des productions à la mesure de son talent et son style avec des Madlib, Pete Rock, Will.I.Am, Just Blaze, Kanye West, DJ Khalil et d'autres encore, des invités tout aussi prestigieux comme Norah Jones, Justin Timberlake, Sizzla, UGK..., Talib a su parfaire son art au travers d'un opus aussi cohérent que varié. Son meilleur album aux dires des mélomanes.

Kanye West avec Graduation
L'album qui vaut 8 nominations aux Grammy Awards 2008. Mais les avis sont partagés concernant ce 3e album de KanYe, alors qu'il s'agit bêtement de valider ou pas sa tournure vers la musique électronique, sans forcément renier sa culture pour les samples soulfuls, loin de là. Mais pour faire un tube avec les Daft Punk, un unique featuring rap avec Lil Wayne, une chanson sur les filles bourrées, un hommage à Jay-Z, et surtout innover avec classe, il n'y a que lui pour le faire. Et réaliser la meilleur vente rap de l'année, il n'y avait que lui pour en être capable.

50 Cent avec Curtis
Malgré les avis allant d'un extrême à l'autre, il faut garder l'esprit objectif, et même si 50 Cent nous fait du 50 Cent, en faisant abstraction de son nom, on se rend compte qu'il s'agit d'un bon disque avec un lot de tueries. Pas le meilleur de sa carrière, simplement trop d'idées reçues qui ont dévalué la qualité de Curtis.

Jay-Z avec American Gangster
Connaissez-vous un artiste capable de trouver un prétexte (s'inspirer d'un film du même nom par exemple) pour sortir un album dans les trois mois et faire disque d'or en deux semaines seulement? Oui, Jay-Z. American Gangster est un album conceptuel, où Jay-Z fait le parallèle entre sa vie et celle de Frank Lucas, le tout dans une ambiance soulful et seventies réalisée par Diddy et ses Hitmen. Quelques semaines après sa sortie, les mots 'futur classique' ont été évoqués pour parler de cet album dans la lignée des Reasonable Doubt et Blueprint.

Ghostface Killah avec The Big Doe Rehab
Abstraction faite de ses divergences artistiques avec RZA, Ghostface Killah prouve avec Big Doe Rehab qu'il n'est pas le chouchou des critiques new-yorkais pour rien. Gros samples soulfuls, des idées qui ne tarissent jamais, un flow fluide et des textes qui font parler la poudre, plus des membres du Wu (Raekwon, Method Man, GZA,...) et du Theodore Unit exclusivement, le Ghost figure sans difficultés dans le top 3 des sorties Def Jam 2007.

Wu-Tang Clan avec 8 Diagrams
Pendant que quelques membres du Wu lavent leur linge sale en public, ce public a pris le soin d'écouter ce 5e album tant attendu du Wu-Tang Clan. RZA le maître d'orchestre et le Wu sans ODB sont des guerriers devenus sages, et déchaînent toujours autant les passions avec cet album, qui s'inscrit comme un retour aux sources, comme une suite logique à 36 Chambers, plus acoustique au niveau des sonorités. Et puis, rien que pour "When The Heart Gently Wheeps", "Gun Will Go" et "Life Changes"...